Sud Ouest 26/05
Jean Tigana à Bordeaux :« Je connais la maison »
Après y avoir brillé comme joueur, Jean Tigana a signé hier un contrat d'entraîneur de deux ans aux Girondins, avec Michel Pavon pour adjoint. Il prévient : « Je ne suis pas un magicien ».
Jean-Louis Triaud, précédant Jean Tigana et son nouvel adjoint Michel Pavon hier après-midi à leur arrivée à la conférence de présentation du nouvel entraîneur au Haillan.
"Sud Ouest ". Pourquoi avez-vous accepté la proposition bordelaise ?
Jean Tigana. C'est le choix du cœur. J'ai refusé de nombreuses propositions depuis trois ans. En France, à l'étranger et surtout beaucoup de sélections mais je n'étais pas prêt. Puis Jean-Louis (Triaud) m'a contacté il y a quelques jours, je lui ai dit : « OK, rencontrons-nous. » Le projet m'intéressait.
Au niveau contractuel, je crois que cela a duré deux ou trois minutes car j'avais une réelle envie de venir à Bordeaux, et de revenir sur le terrain. J'ai accepté de travailler avec Michel Pavon, Dominique Dropsy et Éric Bédouet. Je connais la maison.
C'est un moment émouvant, pour vous, de revenir à Bordeaux ?
Je ne vous cache pas que c'est assez spécial. À mon arrivée ici (en 1981, Ndlr), on se changeait dans la cave et cette salle (où a eu lieu l'interview Ndlr), c'était le centre social (sourire). J'étais au départ de l'aventure et si je peux donner un coup de main dans cette période, disons limite, j'en serai heureux.
Lors des discussions avec le président, avez-vous eu des exigences en terme d'effectif ?
Aucune. J'ai accepté de venir sans connaître l'enveloppe (pour recruter, Ndlr). Je sais que c'est un challenge difficile. Sans Ligue des champions, le club devra réduire la voilure et se pencher sur ses jeunes. Je suis aussi chef d'entreprise, je sais ce que c'est. Mais par principe, je demanderai une rallonge à M6 (sourire).
Vous n'avez pas de garantie pour que Gourcuff et Diarra restent ?
On ne peut pas en avoir quand les joueurs ont des clauses (1). Si un joueur a envie de partir, vous ne pouvez pas le retenir. Il va falloir travailler et être assez vigilant, si certains nous quittent, pour bien les remplacer.
Quel sera l'objectif pour la saison prochaine ?
Se qualifier pour la Ligue des champions.
Régénérer un groupe peut parfois avoir du bon…
(Sourire). Quand vous perdez vos meilleurs joueurs ? Ou alors quand vous avez la possibilité d'anticiper leur départ. À Monaco, j'ai perdu Sonny Anderson mais j'avais préparé Thierry Henry et David Trezeguet. Ici, je n'ai pas eu le temps de préparer quoi que ce soit. Il y a 15 jours, je ne savais pas que je reviendrai à Bordeaux.
Quel regard portez-vous sur la fin de saison des Girondins ?
C'est difficile pour moi d'en parler, je n'étais pas à l'intérieur du groupe, je n'en ai que l'image que les médias en donnaient. Apparemment, c'était assez pénible. J'imagine qu'ils auront envie de se rattraper après cet échec.
Laissez-moi maintenant le temps de rencontrer les joueurs pour voir leur état psychologique et s'ils ont envie de se rattraper. À moi de les sécuriser, de leur donner un planning pour revenir au plus haut niveau.
Ces trois saisons sans entraîner vous ont-elles permis de prendre du recul sur le métier ?
Vous savez, j'ai beaucoup d'admiration pour Arsène Wenger ou Alex Ferguson mais je ne pourrai jamais être comme eux, tout le temps la tête dans le guidon. J'ai toujours eu besoin de couper. Un an entre Monaco et Fulham, deux entre Fulham et Besiktas, et maintenant trois ans. Je fonctionne comme cela.
Vous aimez toujours le beau jeu ?
Cela dépendra des joueurs à ma disposition. Je ne suis pas un magicien, mais un travailleur. Je vais essayer de mettre en application ma méthode par rapport au potentiel à ma disposition, en tirant 100 % de mon effectif.
Vous restez un adepte des mises au vert ?
Je ne suis plus le Jean Tigana de Lyon ou Monaco. En Angleterre, il n'y avait jamais de mise au vert. On en fera très peu, je ne viens pas à Bordeaux pour tout bouleverser.
C'est un challenge difficile de succéder à Laurent Blanc…
À Monaco, j'ai succédé à Arsène Wenger. J'ai quand même gagné en France, en Angleterre et en Turquie. Et je n'ai pas été loin d'être champion du monde (deux demi-finales contre la RFA en 1982 et 1986 Ndlr). Je ne vais quand même pas arriver complexé ! Cela n'enlève rien au super travail de Laurent et Jean-Louis Gasset que je connais depuis 30 ans et que j'adore.
(1) Estimées à 8 millions d'euros pour Diarra et 25 M€ pour Gourcuff.
Un nouveau cycle
Budget en baisse, effectif encore incertain, Tigana va devoir s'adapter.
Le communiqué de presse officialisant l'arrivée de Jean Tigana à la tête des Girondins de Bordeaux et invitant à la présentation officielle au château du Haillan à 15 heures, est tombé hier matin à 9 h 17. « Nous n'avons même pas eu le plaisir de vous faire la surprise à votre arrivée à la conférence de presse » a lancé Jean-Louis Triaud, à l'adresse des journalistes, faisant allusion au fait que l'information avait été largement éventée les jours précédents, notamment dans les colonnes de « Sud Ouest » samedi 22 mai.
Jean Tigana est donc le nouvel entraîneur de Girondins pour deux ans. Vingt et un ans après son départ du club, le voilà de retour au Haillan, à presque 55 ans. Avec une équipe à remettre sur pieds.
Pourquoi Bordeaux a choisi Jean Tigana ?
Dans un joli numéro d'espièglerie, Jean-Louis Triaud a pris la parole le premier, histoire d'éviter la question qui fâche. À en croire, le président, Jean Tigana n'est pas un choix par défaut.
« Une fois que le départ de Laurent Blanc a été annoncé, le téléphone, le fax et la boîte mail n'ont pas arrêté de crépiter. Nous avons reçu des propositions variées et multiples de France comme de l'étranger. Je n'imaginais pas qu'il existait autant d'entraîneurs, libres et séduits par Bordeaux. Mais très rapidement, la piste Jean Tigana a été explorée en priorité. S'il nous plaisait, ce n'était pas d'aujourd'hui. Simplement, nous n'avons jamais été disponibles en même temps pour travailler ensemble. »
Tigana était libre, contrairement à Eric Gerets et Jean Fernandez, que Triaud a démenti avoir contacté ou relancé. « Avec sa compétence, son expérience, son image et son charisme, Jean présente une personnalité qui nous convient parfaitement.Saconnaissance de Bordeaux, les résultats qu'il y a obtenu comme joueur et son goût pour le beau jeu nous ont aussi convaincus, ainsi que sa capacité à utiliser et lancer de jeunes joueurs. »
De quels moyens et de quels joueurs disposera-t-il ?
C'est évidemment LA question que tout le monde se pose. Faute de Coupe Européenne, Bordeaux s'avance vers la saison prochaine avec 20 millions d'euros en moins. A priori, il faudra donc économiser et dégraisser. Tous les regards sont tournés vers Yoann Gourcuff et Alou Diarra, qui coûtent cher en salaire et pourraient rapporter gros en cas de vente. La clause de départ de Gourcuff est estimée à 25 millions d'euros, celle de Diarra à 8. Les deux joueurs n'ont rien dit, mais compte tenu de leur standing et de leurs ambitions, on les imagine mal se contenter d'une simple saison de Ligue 1. Quoi qu'il en soit, Bordeaux, nanti d'un effectif riche en nombre et en qualité, peut se permettre de voir venir (les offres). Sa seule priorité sportive actuelle consiste à recruter un attaquant pour compenser le départ de Chamakh. Pour le reste, Tigana attendra la reprise, le 28 juin, pour faire le point sur son groupe, les désirs de chacun (Cavenaghi, Fernando ?) et les siens. Quant aux mondialistes, qui reprendront plus tard, ils auront tout à gagner en Afrique du Sud, Bordeaux aussi…
Quels objectifs pour Tigana… et pour Bordeaux ?
Jean Tigana a été clair d'entrée : il veut ramener Bordeaux en Ligue des champions. Un discours ambitieux donc, que Jean-Louis Triaud a relativisé. « Les objectifs ? On n'en a même pas parlé ! Jean sera ambitieux, bien sûr et on le sera avec lui. Mais ça reste du sport et l'obligation minimum, c'est de passer un bon moment ensemble. » Le président choisirait-il de faire profil bas à l'orée d'une saison où Bordeaux « réduira la voilure » ? À l'évidence oui. Il y a trois ans, en arrivant, Laurent Blanc avait une feuille de route autrement plus exigeante. Mais fort de cette pression, Blanc avait demandé, et obtenu, Alou Diarra. Aujourd'hui, M6 ne serait plus aussi bien disposé face à une telle requête.
Un article un peu pessimiste mais à la conclusipn complètement conne ...puisque Diarra est déjà dans l'effectif et que cette équipe est beaucoup plus riche que ne l'était celle qu' a trouvé Blanc...sans compte qu'en plus à la différence de Blanc, Tigana n'aura pas d'Europe à jouer (merci qui ?)